La passion du Sfaxien pour le poisson
A Sfax, acheter le poisson est un art. C’en est un aussi de savoir mener une conversation autour du poisson. On se délecte à raconter les péripéties de ses achats. A table, chaque pièce est commentée. Il est courant de donner au cours des repas le poids et surtout le prix de telle daurade, de tel loup… ce qui ne va pas sans gêner des invités peu au fait des us et coutumes de notre ville.
Il est peu de poissons qu’on consomme tout au long de l’année, y compris les petits pataclès de la fameuse soupe. Comme les fruits, chaque poisson a sa saison, certains ne sont vraiment appréciés que quelques jours par an. C’est le cas du labre (khoddir) qui devient abondant pendant une semaine en avril puis disparaît.
«Dès qu’est mûre la vendange, mange marbre et soupe» dit le dicton. Ou encore : «Avec les premiers abricots mange la rascasse».
Le poisson a aussi sa fête c’est l’Aïd Es-Seghir. Sfax est à notre connaissance l’unique ville de tout le maghreb dans laquelle on consomme à cette occasion du poisson salé accompagné de sauce à base de raisins secs, d’épices fines et d’huile vierge. Cette association déroutante pour les palais novices est d’un raffinement qui rappelle la cuisine chinoise capable, elle, de telles audaces. «Ailleurs, dit un Sfaxien, on consomme le poisson, chez nous le poisson est d’une certaine façon un art de vivre !» Puisse la petite syrte apporter éternellement à ses actifs riverains leurs «nourritures maritimes».
La «passion» du Sfaxien pour le poisson méritait d’être évoquée, mais elle ne doit pas nous faire oublier d’autres produits de la mer qui ont eu dans un passé récent une grande importance dans l’économie de la ville à savoir les éponges et les poulpes séchés.